APPEL À COMMUNICATIONS
COLLOQUE ANNUEL DE l'AECSEL 2018
MISE EN TROPE:
Nouvelles plasticités de la rhétorique
dans les arts
Pour cet évènement annuel, l'AECSEL propose un
colloque multidisciplinaire sur les nouvelles plasticités de la rhétorique et
sur les enjeux culturels, idéologiques, pédagogiques ou toutes autres
problématiques pertinentes en lien avec celles-ci.
Le mot trope vient du grec tropos qui signifie à la fois tourner
autour (comme l'héliotrope se tourne vers le soleil) et détourner (comme le
psychotrope détourne la psyché de ses fonctions ordinaires). Dans la rhétorique
ancienne, ce mot, généralement employé comme synonyme de figure de style,
définit plus précisément une figure (dont la métaphore serait la forme par
excellence) qui aurait pour effet de détourner les mots de leur sens dénoté
pour les faire entrer dans le domaine de la connotation. Conçue comme une sorte
d'écart et de détournement proprement ornemental, cette définition du trope,
par le biais de grammairiens comme César Dumarsais ou Pierre Fontanier, s'est
plus ou moins maintenue intacte jusqu'à ce que la sémiologie s'empare de la
question au XXe siècle.
À partir des essais sémiologiques de Louis Hjelmslev, lui-même
successeur direct de Ferdinand de Saussure, la réflexion sur les expressions
linguistiques s'est décloisonnée des simples considérations proprement
sémantiques pour se concentrer, en plus, sur l'aspect matériel des énoncés : ce
que le philosophe nomme la forme du contenu par rapport à son sens. Pour le
danois, le processus de sémiose serait à analyser dans l'interaction entre ces
deux aspects. À partir de cette idée nouvelle, toute une sémiologie des objets
a pu voir le jour et c'est sans surprise que celle-ci s'est directement
réclamée de la rhétorique : qu'on pense aux rhétoriques de l'image de Roland
Barthes ou du Groupe µ qui doivent beaucoup à Hjelmslev. Par là, le trope se
retrouve à être non pas occulté par cette fusion de la rhétorique et de la
sémiologie, mais se retrouve au contraire entièrement renouvelé par cet état de
fait. La nature ornementale du trope, qui épouse très bien les considérations
plastiques de la langue et des images, jumelée à sa nature analogique et
connotative, peut désormais participer pleinement du processus sémiotique des
objets, des gestes, des images, des codes et des symboles.
C'est ainsi que le trope, de nos jours, tend à prendre le sens de « lieu
commun » et que le tropos devient topoï. C'est aussi pourquoi un
site comme TVtropes.org peut définir ainsi cette figure : « tropes are more about conveying a concept to the
audience without needing to spell out all the details ». Roland Barthes, dès
ses analyses sur la publicité, en disait déjà autant de l'image. Par rapport à
l'affiche de Panzani, le sémiologue français faisait de l'italianité
cette chose que le message comporte en plus. Il en vient donc à penser la
connotation de l'image sur le mode de la rhétorique. Par l'usage de
l'agencement de stéréotypes comme les pâtes, les tomates et le mot aux
consonances italiennes, l'image en vient à faire signifier à ses objets une
culture complètement absente de l'image ou du contenu de l'expression si on les
prend au sens propre. Dès lors, la rhétorique du trope peut se penser comme la
dialectique d'une absence signifiante et d'une présence vide, et ce, sans
qu'elle ne perde sa fonction de détournement, l'outil par excellence du
processus. C'est aussi en ce sens que l'on peut comprendre le tropisme de
Nathalie Sarraute, pour qui il s'agit de toutes ces petites situations qui ont
lieu pendant l'enfance et qui créent un sentiment de déjà vu ou influencent nos
préférences personnelles et nos comportements une fois devenus adultes.
Par la sérialité qui existe dans les arts, depuis
la massification de la littérature industrielle au XIXe siècle, les
tropes se véhiculent de plus en plus facilement en raison de la rapidité avec
laquelle les signes sont codés pour devenir des conventions linguistiques et
sémiotiques. C'est ce qui permet à la fois leur démultiplication, mais aussi
leur déconstruction, puisque l'accroissement du nombre en a fait un objet
d'étude de choix. La multitude des médias et des plateformes disponibles permettent
parallèlement un renouvellement constant de ces figures parfois très anciennes,
même si celles-si se retrouvent souvent recyclées par l'entremise de ce
processus. Ainsi, elles semblent plus foisonnantes et plus originales que
jamais.
Que ce soit dans la littérature, à la télé, au
cinéma, dans le jeu vidéo, dans la publicité ou ailleurs, il s’agira de
s’interroger sur les nouveaux habits du trope : stéréotypes, lieux communs,
gestuelles familières, détournements de figures connues, recyclage des codes de
genres, intertextualités, etc.; mais aussi sur les pratiques qui déconstruisent
ceux-ci par le biais de l'humour, de la subversion politique, de
l’intermédialité ou autres. Il sera alors possible mettre en valeur les
littératures, la culture populaire, les pratiques culturelles médiatiques ainsi
que les perspectives minorisées, marginales ou discréditées par les
institutions artistiques, dont les paralittératures, en mettant de l’avant ce
travail de mise en forme.
Afin de favoriser la participation des étudiants.es en
recherche-création, ce colloque se veut ouvert aux activités de créations
artistiques. En ce sens, nous accepterons les performances, les communications
hybrides ou tout travail artistique qui aura sa place dans le cadre de la
thématique choisie. Il y aura aussi la possibilité pour les participants.es de
faire leur communication par vidéoconférence.
Les communications doivent être inédites, en langue française ou
anglaise et avoir une durée maximale de 15 minutes. Afin de participer, nous
vous demandons d’envoyer vos propositions de communication d'environ 300 mots
et 5 mots-clés d’ici le 1er mars à l’adresse courriel suivante : aecsel.uqam@gmail.com.
Idées d'axes de recherche/panels :
· HYBRIDITÉ DES TROPES ET INTERTEXTUALITÉ: la référence comme lieu commun
et la fusion des genres dans la culture populaire.
· DÉTOURNEMENT DES TROPES COMME MODE DE RECONNAISSANCE DES GROUPES
MARGINAUX OU MARGINALISÉS: raconter le même différemment.
· NOSTALGIE: quand revenir en arrière n’est qu’histoire de tropes.
· 50 NUANCES DE BUILDUNGSROMAN: le récit initiatique sous toutes
ses formes: de L’éducation sentimentale au 40 year old Virgin.
Exemples de tropes et où on peut les
trouver (cinéma, littérature, jeux vidéo, etc.) :
· La mise en scène des plateaux de tournage au cinéma
et dans les séries télévisées
· Briser le quatrième mur (ou l’adresse plus ou moins
directe à l’auditoire) (littérature, théâtre, cinéma, séries télé (House of
Cards, Mr. Robot, Malcom in the Middle, etc.))
· La culture du meme ou les productions
sérielles d’images ou de vidéo
· Les affiches de cinéma ou les affiches de séries
télés reprenant des esthétiques de films cultes (L’affiche de la série Stranger
Things reprennant le style de celle de Star Wars)
· Les personnages imaginés par d’autres dans les
livres, les films et les séries télévisuelles (Fight Club, Beautiful
Mind, la seconde saison de The Exorcist, Mr. Robot,
etc.)
· Les figures sacrificielles dans la culture populaire (Néo
dans The Matrix, Les spartiates dans 300, Batman dans The Dark
Knight Rises, Jack dans Titanic, etc.)
· Personnages à destinée dans les jeux vidéo (Link dans la
série The Legend of Zelda, Colette Brunel dans Tales of Symphonia,
etc.)
Bibliographie suggérée
Amossy, Ruth, Les idées reçues : sémiologie du stéréotype, 1991.
Amossy, Ruth et Anne Herschberg Pierrot, Stéréotypes et clichés.
Langue – discours – société, 1997.
Aristote, Rhétorique, 2014
Barthes, Roland, Mythologies, 1957.
_______, « Rhétorique
de l'image », Communications 4,
1964.
Bolter, Jay David et Richard Grusin, Remediation, Understanding New
Media, 2000.
Bouvet, Danielle, Le corps et la métaphore dans les langues
gestuelles. À la recherche des modes de production des signes, 1997
Clover, Carol J., Men, Women and Chain Saws. Gender in the Modern
Horror Film, 1992.
Daly, Pierrette, Heroic Tropes: Gender and Intertext, 1993
Ducrot, Oswald et Tzvetan Todorov, Dictionnaire encyclopédique des
sciences du langage, 1972.
Dumarsais, César Chesneau, Traités
des tropes, 1730
Fontanier, Pierre, Les Figures du discours, 1968
Groupe µ, Rhétorique générale, 1970.
_______, Traité du signe visuel. Pour une rhétorique de
l'image, 1992
Hjelmslev, Louis, Prolégomènes à une théorie du langage, 1968
King, Claire, Washed in blood: Sacrifice, subjectivity, and the
cinema, 2006.
Perelman, Chaïm et Lucie Olbrechts-Tyteca, Traité
de l'argumentation, la nouvelle rhétorique, 2009
Propp, Vladimir, Morphologie du conte, 1965
Reboul, Olivier, Langage et idéologie, 1980
_______, Introduction à la rhétorique. Théorie et pratique, 1991
Ricoeur, Paul, La Métaphore vive, 1975.
Sarraute, Nathalie, Tropisme, 1957
Shapiro, Michael, Hierarchy and the structure of Tropes, 1939.
Sperber, Dan et Deirdre Wilson, La Pertinence,
1989
Todorov, Tzvetan, Poétique de la prose suivi de
Nouvelles recherches sur le récit, 1980,
TVtrope.org
Zizek, Slavoj, The Pervert’s Guide to Cinema, 2006.
(Documentaire)